J’ai publié dans le Lancet Global Health (Misunderstanding poor adherence to COVID-19 vaccination in Africa) une réponse à un article plaidant pour un accès de l’Afrique aux vaccins contre le Covid-19, plaidoyer que bien sûr je soutiens, et avançant des explications pour le moins surprenantes aux réticences d’une grande partie de la population à se faire vacciner .
Premier argument des auteurs : les Africains sont réticents à la vaccination car ils ignorent que c’est une des interventions de santé publique les plus efficaces. Or, un bon nombre de pays africains affichent des couvertures vaccinales records au niveau mondial pour les vaccins du Programme Elargi de Vaccination (PEV), avec par exemple 80 % de couverture par le vaccin diphtérie-tétanos-coqueluche sur la région Afrique de l’OMS, certains pays dépassant 95 %. Un deuxième argument avance des « dynamiques historiques, structurelles et systémiques » en appliquant à l’Afrique les conclusions d’une étude menée chez les minorités noires américaines… qui n’ont, bien sûr, aucun rapport culturel, social, économique ou politique avec la population africaine, à moins de faire de la couleur de peau un déterminant des comportements en santé. Un troisième argument est que les abus de la médecine coloniale et de la recherche vaccinale en Afrique affecteraient la confiance dans les vaccins, ce qui est démenti par les couvertures vaccinales mentionnées précédemment. Enfin, la méfiance serait exacerbé par la crainte que l’Afrique soit un terrain d’expérimentation de nouveaux vaccins, alors que nul ne peut ignorer qu’il s’agit des mêmes vaccins que ceux administrés dans les pays industrialisés.
Cela aurait peu d’intérêt et je n’y aurais pas répondu si ce n’était l’illustration d’une approche verticale des comportements en santé, en l’occurrence de l’adhésion à la vaccination contre le Covid-19, que je ne cesse de combattre. Pas un seul des arguments avancés ne s’appuie sur une étude des représentations de la population sur la vaccination contre le Covid-19. Ce sont des arguments élaborés par les auteurs, hors sol, énonçant et analysant ce qu’ils pensent être ces représentations.
Les questions auxquelles il faudrait avoir des réponses, avant toute analyse, sont, par exemple : Pourquoi une si faible adhésion aux vaccins contre le Covid-19, alors que la couverture par les vaccins du PEV est si élevée ? Quelle est la perception du risque de contracter le Covid-19 et d’être gravement malade ? La population est-elle consciente qu’on peut être infecté par des personnes non malades ? Les personnes à risque de formes graves connaissent-elles ce risque ?
Quand les experts croient savoir pourquoi la population est réticente, inutile de le lui demander.
Un autre article que j’ai publié sur ce thème : Public Perceptions, More Than Misinformation, Explain Poor Adherence to Proven COVID-19 Control Measures.