Si les mots sont des outils de la pensée, amalgamant des attitudes très différentes l’expression « hésitation vaccinale » est un outil défectueux qui ne peut que forger des pensées erronées.
Hésiter face à un nouveau vaccin est plutôt preuve de réflexion, de sens des responsabilités et même d’esprit citoyen. L’hésitation ne présage pas de la décision finale, la France en est un bon exemple. A l’automne 2020, les sondages indiquaient qu’une majorité de Français « hésitaient » à se faire vacciner contre le Covid-19, majorité qui s’est depuis convaincue de l’utilité et l’importance de la vaccination. Cette évolution a eu lieu spontanément, indépendamment de toute communication officielle, quand les vaccins contre le Covid-19 ont montré au fil des mois qu’ils protègent efficacement contre les formes graves de la maladie.
Après l’hésitation, une deuxième catégorie d’attitudes est la résistance, résistance fréquente lors du déploiement d’un nouveau vaccin, soit historiquement nouveau, soit nouveau pour une population. Les exemples sont nombreux et montrent que cette résistance prend racine dans les représentations culturelles, sociales et politiques. Michel Foucault a parlé du « biopouvoir », pouvoir qu’exerce les gouvernants de protéger la vie par la prévention et les soins. Un pouvoir n’existant jamais sans opposition, rien d’étonnant à ce que des campagnes de vaccination suscitent une sorte de « bio-opposition ». Surmonter les résistances est autrement plus difficile que de renverser les hésitations. Cela implique, d’une part, de fonder la communication sur les représentations de la population, et non sur l’idée que les responsables politiques se font de ces représentations, et, d’autre part, que l’agenda politique n’impose pas ses objectifs à la communication sur la vaccination, que la parole politique n’écrase pas la parole de santé publique.
Une troisième catégorie d’attitudes est celle des « anti-vax » systématiques et des complotistes de tout bord, que rien ne convaincra jamais. Leur influence réelle sur les résistances à la vaccination est souvent surestimée, ce qui amène la communication sur les vaccins à se tromper de registre. En Afrique sub-saharienne, les personnes qui refusent le vaccin le font essentiellement parce qu’elles ne se sentent pas à risque pour le Covid-19. En France, à lire la presse, les opposants au passe sanitaire invoquent leur liberté, dénoncent ce qu’ils considèrent comme une dictature ou expliquent que la campagne de vaccination a pour seul but d’enrichir l’industrie pharmaceutique. Les mantras des anti-vax et complotistes ne sont qu’exceptionnellement repris dans la bouche des manifestants ou sur leurs pancartes.
En mélangeant dans un même concept ces trois catégories d’attitude, l’hésitation, la résistance et le complotisme, l’anglicisme malheureux « hésitation vaccinale » génère la confusion. On ne peut faire l’économie d’envisager l’insuffisance d’adhésion à la vaccination dans toute sa complexité.
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