Derrière l’article…

Genèse de l’article de Discover Public Health qui montre que les réseaux sociaux n’ont pas d’impact négatif sur la vaccination contre le Covid-19 (voir le post précédent).

En 2021, je me suis rendu dans six pays d’Afrique de l’Ouest pour une enquête sur le Covid-19 et pour des formations à la sensibilisation à la maladie. La vaccination contre le Covid-19, commencée en mars ou avril selon les pays, était un échec manifeste, très peu de gens se présentant pour se faire vacciner. Depuis février 2020, l’OMS répétait qu’une « infodémie » de fausses informations sur le Covid-19 était « aussi dangereuse » que l’épidémie elle-même, selon les mots de son Directeur général, et cette infodémie était censée expliquer le manque d’adhésion à la vaccination.

Or, les discussions que j’avais et les interviews que je menais ne suggéraient pas que la population était particulièrement méfiante envers les vaccins contre le Covid-19. En revanche, une grande partie de la population ne s’estimait pas à risque pour le Covid-19, pensant que c’était une maladie « des blancs » et que les Africains étaient protégés soit par le climat, soit par une immunité particulière. Les fausses informations sur les vaccins ne semblaient jouer de rôle dans le manque d’adhésion, alors que les pays africains étaient ceux où la couverture vaccinale était la plus faible au monde.

En 2023, j’ai mené une étude sur la vaccination contre le Covid-19 au Niger, où 22 % seulement de la population était vaccinée, étude qui a confirmé mes observations (https://doi.org/10.4269/ajtmh.23-0708). Le pourcentage élevé de 73,3 % de la population estimait que les vaccins contre le Covid-19 étaient « une bonne chose » et 83 % des personnes qui avaient entendu des messages de promotion de la vaccination les approuvaient. La démonstration était faite que, au Niger au moins, ce n’était pas une méfiance des vaccins qui expliquait la très faible adhésion à la vaccination.

Depuis 2021 il était, par ailleurs, évident que les discours et articles alarmistes qui avaient expliqué en 2020 qu’un déferlement de fausses informations empêcherait l’atteinte d’une bonne couverture vaccinale avaient été erronés. Dans les pays industrialisés, la population s’était, en effet, précipitée pour se faire vacciner dès que les vaccins avaient été disponibles. Les prévisions pessimistes s’avéraient totalement erronées.

L’idée m’est donc venue de comparer les intentions de se faire vacciner exprimées en 2020 avec la vaccination réelle, puis d’évaluer si l’exposition aux fausses informations avait eu un impact sur l’évolution entre les intentions et la vaccination. Autrement dit, de vérifier si les fausses informations avaient détourné de la vaccination une partie de la population. Les résultats de cette étude menée sur 46 pays et publiés dans Discover Public Health sont sans appel : il n’y a aucun lien entre, d’une part, l’exposition aux fausses informations sur internet et les réseaux sociaux et, d’autre part, l’évolution entre l’intention de se faire vacciner et la vaccination réelle.

Internet et les réseaux sociaux véhiculent beaucoup plus d’informations justes que d’informations fausses en santé. Des études ont montré que, contrairement à ce qui est souvent avancé, cela est encore plus vrai pour le Covid-19 que pour d’autres thèmes de santé. Il faut avoir un certain mépris envers la population pour penser qu’elle serait davantage influencée par les informations fausses que les informations justes.

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